Imaginez si nos ancêtres ne nous avaient pas transmis leurs histoires et leurs connaissances. Comment, aujourd’hui, pourrions-nous grandir et évoluer? Les conteurs sont des éléments vitaux de nos communautés. Ils jouissent de grands honneurs, car nos peuples considèrent leurs compétences et leurs connaissances comme des dons du Créateur.
Les Aînés racontent des histoires tant pour divertir que pour enseigner les traditions, l’histoire, les responsabilités et les perspectives culturelles. Les Aînés attendent des enfants qu’ils écoutent sans les interrompre. Il est considéré comme irrespectueux de poser beaucoup de questions. Les histoires sont censées être écoutées avec une concentration dédoublée, car le Créateur nous a donné deux oreilles. On doit aussi parler moins, car Il ne nous a donné qu’une seule bouche. Nous devons écouter avec respect, et avec un esprit et un cœur ouverts, car nous croyons que beaucoup de ces histoires sont « vivantes ».
Le souffle du conteur donne vie à l’histoire en évoquant son esprit. Beaucoup de grands-mères et de grands-pères murmurent : « Faites attention à ce que vous dites. Les mots sont des médecines. » Dans cet exemple, une « médecine » peut être une pensée, une suite de mots ou un sentiment intense. Si les pensées, les mots et les sentiments sont positifs, il s’agit alors de « bonnes médecines ». Par exemple, le rire est considéré comme une bonne médecine, car il guérit. Si les pensées ou les mots sont négatifs et sont destinés à blesser autrui, on peut les considérer comme de « mauvaises médecines ».
Lorsque les Européens sont entrés en contact avec les peuples autochtones, ils ont été émerveillés par les talents de leurs orateurs, hommes et femmes. Ces talents se sont perpétués, et nous honorons encore la mémoire d’orateurs célèbres comme le chef Dan George (Salish de la côte), Louis Riel (Métis), Pauline Johnson (Mohawk/Anglaise), Heȟáka Sápa (Sioux Oglalas) et bien d’autres.
Aujourd’hui, nos conteurs ne sont pas seulement des membres de nos familles et des Aînés particulièrement doués. Ils sont aussi nos livres, notre radio, notre télévision et notre Internet. La plupart des histoires sont racontées en anglais ou en français, car beaucoup de jeunes ne comprennent plus les langues de leurs ancêtres. De nos jours, de nombreuses personnalités utilisent ces nouveaux médias pour raconter leurs histoires : Basil Johnson (Ojibwé), Buffy Saint Marie (Crie), Marie Campbell (Métisse), Thomas King (Cherokee/Grec/Allemand), Drew Haydon Taylor (Ojibwé), Jimmy Herman (Cri/Déné), Gordon Tootoosis (Cri/Nakoda), Dale Auger (Cri Sakaw), Alex Janvier (Déné), Alanis Obomsawin (Abénaquie) ou Zacharias Kunuk (Inuit), pour n’en nommer que quelques-uns.
Histoire personnelle : où j’ai entendu les histoires
Ma grand-mère a été la conteuse la plus marquante dans ma vie. Elle racontait des histoires à ses petits-enfants jusque tard dans la nuit, avant de nous envoyer au lit. Elle nous disait de ne pas pleurer pendant la nuit. Sinon, Macimanito, un mauvais esprit, viendrait frapper aux fenêtres. Bien sûr, nous tous, les enfants, nous avions peur. Nous n’osions pas faire de bêtises ou pleurer. Elle nous racontait des histoires sur Wesakijak, les « petites personnes » et d’autres personnages. Elle répétait beaucoup de ces histoires, que nous entendions aussi d’autres grands-mères et de nos parents. Nous savions donc que ces histoires étaient vraies et que beaucoup de gens les avaient vécues.
Je me souviens aussi d’avoir entendu des histoires entourant la Création et des légendes, au camp d’été. On nous racontait ces histoires tard le soir, alors que plusieurs d’entre nous étaient fatigués. Les membres de la famille et les amis s’asseyaient autour d’un feu de camp, et faisaient cuire du bannock sur un bâton. Soudain, l’un des anciens, le plus souvent un homme, se levait et commençait à parler. Il commençait par dire : « Cette histoire m’a été racontée par… Et voici comment elle m’a été racontée… »